Mes nouvelles

Partir en voyage au pays de soi...


Clés caméléons

« Laura, Laura…. »

Quelle est cette voix ? Enzo, son amour de bout ‘chou? Un rêve ? Elle ré-ouvre les yeux et aperçoit à ses pieds ce jeune enfant inconnu, jouant avec le sable, un large sourire, le teint bruni par le soleil.

- Laura, joues avec moi, veux-tu ? répète-t-il sans s’arrêter.

- Mais qui es-tu, d’où viens-tu ? demande-t-elle.

- Moi, du village qui est de l’autre côté de la dune, je m’appelle Omar, répond-il.

- Comment sais-tu mon nom ? interroge-t-elle.

- Bah, je te connais, je viens souvent jouer avec toi.

- Je ne t’ai jamais vu ! 

- Toi, non, mais tes mots savent qui je suis. Tu te souviens la fois où tes mots ont quitté ton cahier pour aller jouer ?

- Oui, dit-elle. Les pages de mon cahier étaient devenues toutes blanches. 

- Tu te souviens, tu entendais des bruits. Ca piaillait, ça criait, ça riait, ça te chatouillait et tu ne voyais rien, dit-il en riant aux éclats.

Et bien c’était moi, avec eux, s’esclaffe-t-il, tu te souviens de ce monde nouveau, tu criais que tu avais grandi en un instant, soufflé par le vent comme le vase de ce souffleur de verre ? Tu te souviens, nous somme partis dans la voiture en bois fraichement peinte et tu avais ta robe toute colorée. Tu te souviens ? Tu te souviens ?, rit-il encore et encore.

 

            Laura se rappelait ce jour de printemps, où le vent avait emporté et éparpillé ses feuilles sur l’herbe fraîche. Et elle, qui essayait vainement de les rattraper.

Laura se rappelait cette impression bruyante de récréation, alors que les classes étaient fermées.

Laura se rappelait ces interdits, souvenirs d’enfance, une bande de copains, cette voiture en bois fraîchement peinte en vert, qui leur permettait de dévaler la rue en toute insouciance, à l’abri des regards parentaux.

Interdits aussi ces patins à roulettes reçus à Noel, « trop dangereux » furent les mots des parents, ces patins, une tentation, oser…ils virent ses premières glissades et…ses premières chutes, peu de choses au regard de nos yeux d’adultes, grandioses pour un enfant qui bravait quelques interdits.

Elle aime ainsi respirer, laisser passer les images, ne pas s’accrocher aux pensées, vivre l’instant présent dans cet espace devenu sien.

Images du passé qui s’efface devant celles du présent, images du passé qui frappent à la porte du futur. Une vie, combien d’évènements qui semblent oubliés ou avoir été emportés par la marée, mais qui se redéposent de nouveau sur la plage, aussi présents mais bien plus vivants qu’ils ne l’ont été.

 

            « Nous sommes un tout, une interaction perpétuelle » pense-t-elle « différente je suis à l’instant où j’écris, que je ne l’étais il y a quelques instants avant que ces mots ne m’échappent. »
S’échappent ? Ou bien poussés par un moi intérieur qui les propulsent ? En ce moment ses pensées naviguent.

- Viens, lèves toi, nous partons, la voix de Omar résonne à nouveau.

- Nous partons ? Mais vers où ? Je vois rien, dit-elle étonnée de son invitation.

- PAR LA ! Regarde tous ces gens dans le ciel, ils y vont, regarde chacun à une couleur. Vite, vite !

Elle se lève et décide de le suivre bien qu’il ne lui sembla pas qu’il y ait plus de deux couleurs, le bleu du ciel et le jaune du sable !

- Regarde une voiture des sables, nous allons la prendre, et le voici à courir et elle, à le suivre.

- Nous y voici….station bus voiture des sables, lui dit-il en lui faisant signe de monter.

Mais où trouver la porte, elle ne voyait désespérément rien.

- Omar, je suis trop grande pour jouer, je ne vois rien, et elle se mit à pleurer.

- Omar, je veux rentrer à la maison, je suis lasse de chercher.

 

Et pourtant les mots d’une amie d’un autre hémisphère, résonnaient en elle,

« Trop souvent peur de tailler dans le vif, un seul mouvement, un seul mouvement pour s'envoler… ».


S’envoler, devenir un papillon, trouver, se trouver, peut-être trop difficile quand devenu adulte, nous partons à sa recherche. Elle a en elle, le souvenir de ce feu d’artifice qui a surgit, cette nuée d’étoiles scintillantes propagées dans l’univers.

Ces clés « caméléon », aujourd’hui dispersées dans l’immensité de la vie, qui n’ont comme sésame que son esprit à peine libéré.

Elle se souvient de cette impression de vide, de ne plus avoir été que ce corps qui s’élève et qui fait mal, d’avoir eu envie de dire stop, quand l’instant était trop difficile, quand la lumière s’éloignait de nouveau et que l’incertitude gagnait.

Dire stop, mais à quoi donc finalement ? Peut-être à cette souffrance intérieure qui la tiraillait ? Mais, pouvons-nous arrêter-nous une gestation ?

            Omar était là près d’elle, sa main glissée dans la sienne, sans bouger. Lui, cet enfant avait la force qu’elle n’avait pas, le regard scintillant de l’innocence, la question « qui suis-je ne le concernait pas, lui « IL ETAIT », son âme pure s’abreuvait de l’invisible. Une douce caresse, un baiser l’a fit sursauter. Omar la regardait et semblait lui offrir ces mots :

- Ce que tu cherches, c’est de savoir qui tu es, où tu vas ? Tu as un esprit rempli d’émotions, de parfums mais la raison qui anime tes pensées dépassent les raisons du cœur. C’est pour cela que tu as la sensation qu’il te manque quelque chose.

Etait-ce Omar qui lui parlait ou son propre esprit révélé par l’innocence de cet enfant ?

Des mots simples et forts, si faciles à prononcer, si plein de vie, si nôtres et pourtant avant de se les approprier il est parfois nécessaire de faire le « grand plongeon ».

La peur vous saisit car elle vous habite au quotidien. La peur, mais quelle peur au fond ? Peut-être celle dans laquelle nous nous enfermons un jour. Un simple mot prononcé, un ressenti, une incompréhension, un amour vrai mais trop étouffant, maladroit même et nous voilà happés !

Une multitude de petits instants qui alimentent la peur d’exister pour soi même. Emprisonnés de cette mangrove, comment en trouver l’issue ?

Elle a été longtemps prisonnière sans le savoir, enchevêtrée dans un univers qui lui semblait sien. Parfois tout lui semblait épais et lourd. D’un coup d’épaule, elle ôtait vivement la couette. Elle se sentait alors fraîche et libre un instant.

Et puis la froideur devenant trop intense, elle replongeait après cette bouffée d’oxygène.

Les eaux profondes, tant d’espèces différentes, une beauté à découvrir dans cette lumière à peine dévoilée.

La vie est partout, pas simplement où nous voudrions la cueillir. Dans l’univers, une place pour chacun de nous, une place pour se façonner. Les instants bonheurs grands ou petits sont présents là aussi, pour alimenter notre bulle intérieure, cette bulle qui n’a de cesse de grandir depuis le commencement.

L’inattendu est toujours là, tapi dans l’ombre pour nous apporter une autre dimension de nous même.

- Laura ? 

- Oui ? 

- Nous allons rater la voiture des sables. 

- Oh oui, tu as raison, regarde, elle est là. Tu as vu, jaune et bleu ! Elle est belle, non ? Viens vite Omar.

Elle ferma les yeux un instant. Elle entendait le moteur vrombissant, près au « décollage ». Elle était confortablement assise, les coussins lui semblaient moelleux, elle était prête pour poursuivre son voyage. Une sensation nouvelle frémit en elle, elle sent mais ne perçoit pas encore. Peut être un équilibre naissant entre le corps et l’esprit ?

De jour en jour, tout cela avait grandit en elle, tel un fœtus

« Douceurs et rondeurs, un cercle infini qui me prend, me soulève, m’enlève.

Douceurs et rondeurs pour abattre ce mur, ce bloc qui s’effrite aujourd’hui ».

- Omar, le vent souffle ! 

- Ca vient de TOI Laura, juste de TOI.

Une image, un souvenir, une sensation en elle à jamais, deux mains entrelacées, la sienne et celle de sa douce mamy. Cette douceur qu’elle fit sienne sans le savoir, cette douceur qui se réveille et qui l’appelle.

            Le temps qui s’écoule la remplit de plénitude comme un esprit qui s’empare d’elle…..des regards, la vie est là, présente au-delà de la pierre. Ici pas de pierre, mais un esprit qui vient de la transposer en Egypte, un voyage qui lui avait ouvert d’autres portes, il y a quelques temps déjà.

Hymne à l’amour permanent, dans les scènes de couples...et des regards frappants, perçants, qui lui avaient montré l’invisible au-delà du visible.

Et que dire de ces pyramides, immenses, où l’esprit est partout. Cet esprit que le sphinx protecteur nous a déversé dans le Nil, pour que celui-ci le dépose à son tour sur ses rives, fertilisant ces lieux et enveloppant le voyageur qui passe.

- Laura, regarde les montagnes ! 

            Une immensité de quiétude s’offre à elle d’où surgissent ces monstres géants sur un lit de douceur rose. Ces montagnes Jordaniennes, témoignages de notre création, ces icebergs dans un océan de sable. Peut-être un sablier qui décompte le temps et qui verra les montagnes englouties pour faire resurgir leur savoir ?

Peut-être des montagnes toujours plus grandissantes qui échapperont au temps pour être un témoignage permanent de la vie ?

            Une douce musique, une voix au-delà des océans :

« Cette forme que tu ressens n’est que silhouette mais tu sais que cette forme existe et tu sais aussi qu’avec le temps tu la poliras, elle te ferait grandir de l’intérieur et de cette force tu puiseras et aidera ton propre être et tout ce qui t entoure. »

Est-ce l’invisible tapis en elle, ce graal tant espéré ?

Le chemin est long mais le cœur commence à se libérer.

N’y a t il pas au bout de chaque chemin, un trésor à découvrir ?

« Cœur qui dicte mes mots,
Cœur qui est là pour me faire avancer, pour me familiariser avec mon MOI.

Cœur, tu me permets de me découvrir au fil du temps,

De m’accepter, de m’aimer pour mieux donner,

Et s’enrichir davantage de l’autre.

Courage d’être soi,

Courage d’affronter son MOI intérieur.»

L’invisible prend vie. Elle est la même, elle peut se mouvoir dans la même silhouette et pourtant une énergie nouvelle, sereine, calme, l’envahit.

Sur le chemin qui est devenu sien, elle perçoit des silhouettes nouvelles qui l’accompagnent, d’autres qui s’éloignent derrière elle, l’invisible lui donne des ailes.

Des ailes ?

Elle est semblable à cette montgolfière qui rompt un à un ses cordages…

 « Ouvrir son cœur, n’est-ce pas ouvrir ses yeux ?

Dévoiler son âme ?

Ouvrir les yeux, c’est recueillir un sourire, un regard

C’est percevoir les autres..

 Cela nous touche,

Cela nous émerveille,

Cela nous rend lumineux,

Cela nous ressource,

Nous devenons plus vivants,

Nous devenons lumière, une force se saisit de vous,

Une force nouvelle ?non, en en gestation depuis notre naissance.»

L’invisible, ciel étoilé de notre inconscience...

L’invisible qui prend le mot Amour, lorsque les yeux fermés nous le laissons nous surprendre,

Cet amour caché au fond de nous.

Cet Amour qui nous emporte dans un monde où l’apesanteur règne.

- Laura, tu es devenue toute jaune !

- Où vois-tu des boutons d’or ? Rit-elle de nouveau.

- Tu brilles, Laura, je te vois, tu rayonnes ! Tu es comme une lumière, il y a deux soleils aujourd’hui !

- Regarde, une tente au loin, nous sommes bientôt arrivés, Laura ! 

- Arrivés ? Mais où Omar ? Y a quelqu’un qui nous attends là-bas ? 

- Oui, un autre voyage ! 

- Comment ça ? 

- Chut ! Un secret que je n’ai pas le droit de te révéler. Regarde à l’intérieur de ton sac, Laura.

D’une main soudain redevenue moins légère, elle plongea au cœur du tissu. Un instant, elle eut peur d’un mauvais tour d’Omar. Qu’allait-elle y trouver ?

Elle sentit des petits morceaux de papier qu’elle sortait les uns après les autres.

Une multitude couleurs dont elle ne comprenait pas le sens.

Elle avait douté d’Omar, comment avait-elle pu faire cela ? Simplement, toujours une voix en nous à ne pas vouloir nous laisser redevenir enfant, cette essence qui est nous…

Les voici enfin devant cette toile dressée devant eux.

Aucun bruit, le silence était l’air qu’ils respiraient.

- Ne prends rien avec toi Laura, juste les petits morceaux de papier, lui chuchote Omar.

- Otes aussi ton drapé.

- Que je me mette nue ? cria-t-elle offusquée.

Rire d’Omar :

- Oui, n’aie pas peur, dit-il cette fois-ci très sereinement comme si l’enfant avait été remplacé par un ange venu d’un autre espace.

Sans résistance, elle entreprit de dénouer l’étoffe qui l’enveloppait.

Elle s’attendait à sentir le soleil l’habiller de ses rayons quand elle serait à lui dans sa nudité et elle ferma les yeux pour combattre la pudeur qui l’envahissait.

Elle se mit à respirer lentement, à laisser naviguer en elle ses énergies, comme le flux et le reflux, comme les vagues, comme une chaleur qui envahit, l’extérieur devenant sien et entreprenant d’enlacer son moi intérieur.

Elle sentait le soleil mais une impression de fraîcheur virevoltait autour d’elle.

Elle entreprit d’ouvrir les yeux. Elle avait franchi la porte de cette toile dressée devant elle, l’instant d’avant. L’intérieur était peint de couleurs douces, des nuées multicolores.

Elle n’était pas nue comme elle l’imaginait mais couverte d’une soie bleutée.

Devant elle, une table sur laquelle se trouvaient les petits papiers qu’elle avait trouvée au fond de son sac. Ils étaient tous assemblés comme un puzzle, chacun une couleur différente, au centre il manquait des pièces.

Les yeux de Laura, se posant sur chaque pièce de cette mosaïque, les couleurs se caressaient les unes aux autres pour former une nuée remplie d’images, images de vie, vie de Laura.

Une petite voix lui souffla :

- Prends le fusain, fermes les yeux et traces quelque chose dans le centre du dessin.

Omar était là, elle ne le voyait pas mais c’était lui qui lui insufflait ces mots.

Elle déposa la pointe du fusain au centre du dessin puis elle ferma les yeux.

Elle prit une grande respiration et commença à laisser ses doigts navigués au gré de sa respiration. Elle était sereine, elle se sentait force.

Une esquisse commença à apparaitre mais elle ne le voyait pas encore.

- Tu peux arrêter, Laura, je crois que tu as terminé. Ouvres les yeux maintenant.

Sous ces yeux, quelques traits commençaient à se composer au fur et à mesure que la lumière remplaçait l’obscurité dans laquelle, elle avait été plongée.

UNE PORTE…

Une porte était née de son inconscient.

Une porte entrouverte.

Elle ne pouvait distinguer ce qu’il y avait derrière elle mais une force la poussait à vouloir entrer.

- Monte sur la table, Laura, nous partons en voyage ! j’arrrriiiiiivvvvvvvvvvve ! 

Elle obéit sans peur, elle se sentait prête à suivre son petit ami.

- Prête, LAURA ? 

- Oui, OMAR ? 

- Accroche toi alors à moi, nous partons chatouiller les pieds qui sont de l’autre coté, retrouver le ciel qui est en bas, voir ce qu’est le BAS, nous qui pensons être en haut.

 S’élever, voir et ne pas se sentir englouti, oppressé
Appartenir au monde tout en étant spectateur.
Se sentir petit dans cet univers et grand dans la bouffée de vie que nous recevons.
Pourquoi nous sentirions-nous si différent lorsque nous sommes en bas ? 

Soudain une interrogation ?

Et si pour le plus beau voyage…il n’y avait pas d’avion à prendre ?

Pas de senteurs à découvrir ?

Et si le plus beau voyage était simplement en NOUS ?

Le déploiement de nos ailes,

La découverte de notre essence.

 

Nouvelle publiée au concours de nouvelles "Désert"


02/01/2010
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